D’une part, les scientifiques qui se sont exprimés sur ce sujet l’ont fait en leur nom propre et ne peuvent prétendre représenter la communauté scientifique dans son ensemble. Le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision (au contraire, par exemple, du débat organisé par l’Académie des sciences dans le cadre de la polémique sur le changement climatique, à l’issue duquel la responsabilité de l’homme a été avérée). Nous saluons sur ce point la réaction salutaire du seul statisticien de l’Académie des sciences, Paul Deheuvels [[- Curriculum Vitae de Paul Deheuvels – 2010.]], [[L’étude de Séralini sur les OGM, pomme de discorde à l’Académie des sciences
Modifié le 19-10-2012 à 17h10
Par Paul Deheuvels
Membre de l’Académie des Sciences
– LE PLUS. Ce vendredi, les Académies nationales d’Agriculture, de Médecine, de Pharmacie, des Sciences, des Technologies, et Vétérinaire ont publié un communiqué au sujet de l’étude de Gilles-Eric Séralini sur l’OGM NK 603 de Monsanto. Leur verdict? Elle contient «de nombreuses insuffisances de méthodologie et d’interprétation». Paul Deheuvels, lui-même membre de l’Académie des sciences, s’indigne.
Édité par Hélène Decommer. Auteur parrainé par Guillaume Malaurie
– Je viens d’apprendre qu’un tout petit nombre de représentants des six Académies (Sciences, Médecine, Technologies, …) se sont réunis pour publier un communiqué commun concernant l’étude du professeur Séralini (éditée récemment dans la revue «Food and Chemical Toxicology«).
Les Académies ne sont pas engagées dans leur ensemble
Sans même avoir lu leur déclaration, je me dois d’attirer l’attention du public sur le fait que le dit communiqué ne peut engager l’une ou l’autre de ces académies dans leur ensemble. En effet, un groupe d’experts a été convoqué en urgence, on ne sait par qui, on ne sait comment, dans une absence totale de transparence concernant le choix de ses membres, et sur la base de 2 représentants par académie. Ces personnes ont cru bon de rédiger dans un espace de temps très bref un avis très critique sur cette étude. Elles ne peuvent prétendre à elles seules incarner l’avis de l’ensemble du monde scientifique français, et ce serait une forfaiture que de le laisser croire.
Étant le seul membre de l’Académie des sciences représentant la discipline des statistiques en tant que telle, il aurait été normal que je sois consulté, et tel n’a pas été véritablement le cas.
– Il ressort des conversations que j’ai eues à postériori sur ce communiqué que les représentants des cinq académies mentionnés plus haut y aient critiqué la partie descriptive de l’étude du professeur Séralini, concernant les tumeurs, en lui reprochant de ne pas être significative sur le plan statistique. Ils auraient, par contre, ignoré la partie toxicologique de l’article, traitée avec sophistication par des méthodes modernes (dites de PLS). Notons que l’article de Gilles-Eric Séralini est, justement, publié dans une revue de toxicologie.
Un mauvais procès fait à l’étude de Séralini
Dans tout texte du genre, la partie descriptive se contente de décrire, sans pour autant en tirer de conclusion démontrée. C’est bien ce qui se passe ici, et je ne trouve rien à redire sur le plan professionnel à cette composante, quoi que puisse en dire le petit groupe de signataires de la motion.
A l’inverse, la composante de toxicologie de l’article a l’immense mérite d’étudier la cohorte de données complète des analyses réalisée sur une durée d’environ 16 mois. Cette partie de l’article aboutit, quant à elle, à la mise en évidence de différences significatives sur le plan statistique, sous réserve, bien entendu, que leur traitement ait été correctement réalisé, et je ne vois aucune raison de penser que ce n’ait pas été le cas.
On pourra m’objecter que ce sont précisément ces parties descriptives de l’article de Séralini qui ont attiré l’attention des médias, puisqu’elles parlent des tumeurs dont les animaux d’expérience ont été victimes. Ce n’est pas la question. Je pense qu’on fait à cette étude un mauvais procès, par de mauvais arguments, et avec un acharnement parfaitement suspect compte tenu des immenses intérêts financiers qui sont en jeu. Il ne s’agit pas de savoir ce qu’en pensent les médias, mais plutôt de juger la qualité technique de ce travail.
Je tiens à dire, avec force, que l’article du professeur Séralini se situe à un niveau élevé de qualité parmi les articles de même catégorie. On ne peut lui reprocher sa valeur scientifique qui est indéniable. On ne peut l’attaquer sur sa partie descriptive qui ne cherche pas à établir des preuves, au sens statistique du terme, mais à donner une présentation lisible, purement factuelle, des résultats obtenus. Il est d’autant plus anormal que le communiqué des cinq académies ne s’intéresse guère (si mes renseignements sont corrects) à la composante toxicologique de l’analyse, qui, elle, fait usage de niveaux de confiance établis selon les règles habituelles de la statistique.
Pour une saine confrontation des idées
Je récuse donc par avance tout texte qui serait présenté au nom de cinq académies sur ce sujet, partant du fait évident que le comité qui l’a signé ne représente que lui-même, indépendamment de l’éminence de ses membres.
C’est d’ailleurs un procédé à la limite du scandale de vouloir parler au nom de tous lorsqu’on est peu nombreux. Quelle que soit la qualité des signataires, ils expriment un avis qui ne peut prétendre constituer une vérité universelle, tant que le problème n’aura pas été véritablement discuté ouvertement, et sur le fond.
L’article du professeur Séralini a l’immense mérite de mettre en évidence qu’il n’y a pas suffisamment d’études portant sur les effets à long terme des alimentations à base d’OGM. Au lieu de critiquer dans cette étude ce qui ne peut pas l’être, tout en omettant de l’apprécier pour sa composante authentiquement innovatrice, les organismes établis comme l’INRA ou l’ANSES, devraient entreprendre des études approfondies sur des échantillons plus nombreux. Celles-ci permettraient de sortir par le haut d’une querelle aux paramètres évidemment biaisés. Il faut que le débat d’idées ait lieu, dans le calme, et sans avoir à subir les pressions des lobbys qui s’expriment pour ou contre des opinions, sans même prendre le temps de les discuter.
J’exprime un avis personnel, basée sur mon expérience professionnelle, et je n’insulte pas ceux qui ont une opinion contraire. L’intérêt de la science se situe, avant tout, dans une saine confrontation des idées et des arguments, qui soit, si possible, sans parti pris. On est, semble-t-il, très loin d’une telle situation, je le crains.
» Les OGM sont des plantes pesticides: ils nous conduisent tout droit au désastre
» Etude sur les OGM: une controverse qui nécessite de se poser les bonnes questions
» OGM: de qui se moque l’EFSA en étouffant le débat lancé par Séralini?
» Les OGM et les tumeurs: l’étude de Séralini dérange car elle oblige à douter
» Étude sur les OGM: une méthodologie statistiquement bonne
Le nouvel Observateur – Le Plus.]], [[
– L’académic?ien des sciences Paul Deheuvels dénonce le communiqué de six académies, Stop Monsanto & Scoop & Altermonde sans frontières, 24-10-2012]].
D’autre part, le protocole suivi dans cette étude présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d’acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s’ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l’acceptation d’une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d’être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s’applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché. Si toute cette histoire aboutit au moins à ce résultat, elle aura été utile.
Nous sommes profondément choqués de l’image de notre communauté que cette polémique donne aux citoyens. L’expertise des risques pour la santé humaine ou l’environnement est une activité difficile qui doit faire face à de nombreuses incertitudes. Beaucoup des menaces qui pèsent sur notre planète ont été révélées par des scientifiques isolés puis confirmées par des études nombreuses venues de la communauté scientifique. En l’occurrence, il serait bien plus efficace de mettre en œuvre des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux des OGM et des pesticides, d’améliorer les protocoles toxicologiques utilisés pour leur mise sur le marché et de financer une diversité de chercheurs dans ce domaine que de créer des affrontements entre deux camps nourris de préjugés et d’idéologies. Nous pensons que notre communauté doit garder le souvenir d’erreurs passées, concernant l’amiante par exemple.
Enfin, nous tenons à assurer à nos concitoyens qu’il existe également, dans la communauté scientifique, un nombre important de chercheurs qui sont convaincus qu’il faut prendre au sérieux les risques associés aux technologies et qui estiment que, si les chercheurs d’une part, et les applications sociales de la science d’autre part, sont par construction liés à des idéologies, des croyances et/ou des intérêts, la démarche scientifique doit, elle, s’efforcer de rester aussi indépendante que possible pour jouer pleinement son rôle dans la société.
Cette pétition est ouverte aux scientifiques uniquement à qui nous demandons d’indiquer leur institution de recherche de rattachement
Premiers Signataires
Andalo Christophe MC UPS Toulouse;
Arnaud-Haond Sophie Chercheuse IFREMER;
Atlan Anne CR CNRS;
Auclair Daniel DR INRA ;
Austerlitz Frédéric DR CNRS;
Barot Sébastien DR IRD;
Bancal Marie-Odile MC AgroParisTech;
Becker Nathalie MC MNHN;
Bellé Robert Pr UPMC;
Bérard Sèverine MC U Montpellier 2;
Blondel Jacques DR CNRS;
Boëte Christophe CR IRD;
Boistard Pierre DR INRA;
Bonhomme François DR CNRS;
Bonhomme Vincent Institut Français de Pondichéry;
Bonnet Timothée Doctorant U Zurich;
Bonneuil Christophe CR CNRS;
Bonnin Isabelle CR INRA;
Bosc Pierre-Marie Chercheur CIRAD;
Boudouresque Charles Pr U Aix-Marseille;
Bourdineaud Jean-Paul Pr U Bordeaux;
Boyen Catherine DR CNRS;
Brèthes Daniel DR CNRS;
Casas Jérôme Pr U Tours;
Cézilly Franck Pr U Bourgogne;
Chabert Michèle MC EPHE;
Champagnon Jocelyn Post Doc;
Charpentier Anne MC U Montpellier 2;
Charmantier Anne CR CNRS;
Chikhi Lounès DR CNRS;
Cochard Hervé DR INRA, Correspondant de l’Académie d’Agriculture;
Colas Bruno MC U Paris Diderot;
Combes Claude Pr U. Perpignan, Membre de l’Académie des Sciences;
Da Lage Jean-Luc DR CNRS;
David-Benz Hélène Chercheuse CIRAD;
Darlu Pierre DR CNRS;
De Decker Sophie Post-Doctorante, NOAA, US;
De Foresta Hubert CR IRD;
De Reviers Bruno Prof MNHN;
Dedeine Franck MC U François Rabelais Tours;
Delesalle Bruno MC EPHE;
Destombe Christophe Prof UPMC;
Devaux Céline MC U. Montpellier 2;
Djikeussi Eléonore CH Niort;
Dorin Bruno Chercheur CIRAD;
Dufumier Marc Pr AgroParisTech;
Dugue Patrick Chercheur CIRAD;
Dulcire Michel Chercheur CIRAD;
Dutech Cyril CR INRA;
Elias Marianne CR CNRS;
Enjalbert Jérôme CR INRA;
Fabre Pierre Chercheur CIRAD;
Fady Bruno DR INRA;
Ferdy Jean-Baptiste Pr U Toulouse 3;
Ferrière Régis Pr ENS Ulm;
Figuié Muriel Chercheuse CIRAD;
Frascaria Nathalie Pr AgroParisTech;
Fort Philippe DR CNRS;
Gautier Christian Pr U Lyon;
Gavotte Laurent MC U Montpellier 2;
Gerber Sophie CR INRA;
Grandcolas Philippe Prof MNHN;
Goldringer Isabelle DR INRA;
Gouyon Pierre-Henri Pr MNHN;
Hautekeete Nina MC U Lille 1;
Heams Thomas MC AgroParisTech;
Herbette Stéphane MC U Clermont-Ferrand;
Henry Claude Pr Columbia University;
Heyer Evelyne Pr MNHN Hospital;
Frédéric DR INRA;
Huet Sylvie DR INRA;
Humbert Jean-François DR INRA;
Jeandel Catherine DR CNRS;
Jarne Philippe DR CNRS;
Joron Mathieu CR CNRS;
Juffé Michel Pr PontsParisTech;
Kjellberg Finn DR CNRS;
Lachièze Rey Marc DR CNRS;
Lançon Frédéric Chercheur CIRAD;
Laurans Marilyne Chercheuse CIRAD;
Laurenti Patrick MC U Diderot;
Lavigne Claire DR INRA;
Lemeilleur Sylvaine Chercheuse CIRAD;
Le Gall Line MC MNHN;
Le Moguédec Gilles Chercheur CIRAD;
Lévy-Leblond Jean-Marc Pr U Nice;
Lipinski Marc DR CNRS;
Loeuille Nicolas Pr UPMC;
Londe Sylvain Doctorant UPMC;
Lorand Isabelle Chirurgienne;
Louchart Antoine CR CNRS;
Machon Nathalie Pr MNHN;
Mallefet Jérôme Pr U Catholique de Louvain;
Mariojouls Catherine Pr AgroParistech;
Maris Virginie CR CNRS;
Mignot Agnès Pr Université Montpellier 2;
Millier Claude Pr AgroParisTech;
Mirleau Pascal MC U Aix-Marseille;
Moulia Catherine Pr U Montpellier 2;
Morin Edgar DR CNRS;
Nabholz Benoit MC U Montpellier 2;
Nicolas Valérie IR INSERM;
Nieberding Caroline Pr U Catholique de Louvain;
Oberlin Guy, ex DR1 Irstea et IRD
Olivieri Isabelle Pr U Montpellier 2;
Paillet Yoan IR IRSTEA;
Palka Laurent MC MNHN;
Pape Moller Anders DR CNRS;
Papy François DR INRA;
Pasqualini Vanina Pr U Corse;
Petit Éric MC U Rennes 1;
Poirier Florence IR U Paris 13;
Ponsard Sergine Pr U Toulouse;
Potin Philippe DR CNRS;
Quilichini Angélique MC détachée CNRS;
Raymond Michel DR CNRS;
Refrégier Guislaine MC UPS Orsay;
Reynaud – Yann Post-Doctorant, NOAA, US;
Rognon Xavier MC AgroParisTech;
Rousseau Denis-Didier DR CNRS Ulm;
Rousset François DR CNRS;
Saatkamp Arne MC U Aix-Marseille;
Saint-James Emmanuel MC UPMC;
Salmona Jordi Doctorant U Lisbonne;
Sartor Pierre CR CNRS;
Selosse Marc-André Pr U Montpellier 2;
Sicard Mathieu MC U Poitiers;
Shykoff Jacqui DR CNRS;
Testart Jacques DR INSERM;
Thomas Mathieu PostDoc INRA;
Tully Thomas MC U Paris 4 (CNRS);
Valero Myriam DR CNRS;
Van Vliet Geert Chercheur CIRAD;
Vela Errol MC U Montpellier 2;
Velot Christian MC U Psud Orsay;
Verlaque Marc CR CNRS;
Verrier Etienne Pr AgroParisTech;
Volovitch Michel Pr ENS Ulm;
Vriz Sophie Pr U Paris Diderot;
Warlop François CR GRAB;
Weill Mylène DR CNRS.
pétition: Science et conscience
Gilles-Éric Séralini en Géminis Papeles de Salud
– Gilles-Éric Séralini: Pesticidas, transgénicos y enfermedades crónicas “occidentales”
– Gilles-Eric Seralini y Andrés Carrasco confirman que el glifosato es letal para la vida humana
– Argentina: Efecto del glifosato en el desarrollo embrionario de «Xenopus laevis»
– Aspartamo: polémico, peligroso y producto transgénico
– Epidemia de dengue por los cultivos de soja de Monsanto
(7 de diciembre de 2012)